Comment expliquer que près de la moitié de la population étudiante auto évalue l’état de sa santé psychologique comme étant situé entre « très faible » et « moyen »? Stages non-rémunérés, augmentation du coût de la vie, crise du logement, hausse des intérêts sur les prêts étudiants… Comme une hydre avec ses multiples têtes, la précarité étudiante continue de faire ravage de manière de plus en plus inquiétante. Devant la montée de cette précarité, les personnes au pouvoir, comme si elles avaient la tête dans le sable, préfèrent ne pas reconnaître la crise, voire l’intensifient de manière directe ou indirecte.
Ces pressions grandissantes que nous subissons nous poussent à agir : il apparaît certain que nous devons nous organiser face à notre précarisation. Une chose est sûre, et l’histoire des mouvements sociaux en témoigne : l’union fait la force devant cette hydre du système qui perpétue les inégalités en protégeant le statu quo.
De la mémoire militante aux futurs possibles, ce premier volume du Débordement cherche ainsi à rallier les étudiant-e-s derrière ce nouveau projet de mise en commun des luttes qu’est la Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale (CRUES), ainsi que d’entamer sa campagne 2023-2024 sur la précarité étudiante. Pour tracer une esquisse de cette situation indignante et inciter à l’action, voici quelques unes des têtes de cette hydre qui nous précarise:
– DETTE ÉTUDIANTE. À ce jour, plus de 300 000 personnes au soi-disant Québec traînent une dette étudiante et, aujourd’hui, nous faisons face à une hausse historique des taux d’intérêt. En effet, après un gel du remboursement des dettes étudiantes durant la pandémie, un bond du taux d’intérêt de 3% à 7,45% nous laisse dans une enrageante situation de précarité et de stress financier. Notons que dans les autres provinces canadiennes, les prêts étudiants ne sont pas sujets aux intérêts. Une motion avait d’ailleurs été proposée à l’Assemblée nationale dans le but d’éliminer complètement ces intérêts sur les prêts étudiants, mais elle a été bloquée par la CAQ. Pendant ce temps, certaines entreprises privées incapables de rembourser des prêts reçus pendant la pandémie voient une partie de leur dette annulée par le gouvernement provincial… [2]
– INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE. La précarité, c’est aussi la difficulté de chacun:e à se nourrir de manière saine et abordable. Manger est un besoin de base et le prix du panier d’épicerie a augmenté de plus de 15% de 2021 à 2022, alors que se loger et payer ses cours représente déjà presque intégralement le revenu d’un-e étudiant-e. C’est notamment au soi-disant Québec que le montant alloué à l’épicerie est le plus haut au pays, à raison de 448$ par mois contre 379$ chez nos voisin:es de l’Ontario. On voit ainsi de plus en plus de gens autour de nous qui doivent sauter des repas ou voler en épicerie, ce qui peut contribuer à la détérioration de leur santé mentale et physique.
– MONTÉE DE LA HAINE. Si ces facteurs mentionnés ci-haut sont consternants, ils peuvent être d’autant plus aggravants pour les étudiant-e-s issu-e-s des groupes marginalisé-e-s qui doivent (sur)vivre dans un milieu de plus en plus hostile à leur égard. L’instabilité politique et climatique, avec la machine médiatique et les mouvements de centre et de droite, sont rapides à chercher des boucs émissaires pour expliquer l’effritement de la situation actuelle, chose qui a des conséquences directes sur certains individus dans leur recherche d’emploi, de logement, de soins de santé, etc.
Cette liste, non exhaustive, pourrait se poursuivre longtemps. Ajoutons-y entre autres l’accès au logement et la non-salarisation des stages, qui sont d’ailleurs abordés dans des textes du présent volume.
Devant une telle situation, nous avons mieux à faire que de nous laisser berner par le discours ambiant, ancré dans un alarmisme défaitiste. Si nous reconnaissons toutefois l’urgence de la crise socioécologique — et notre précarité avec —, nous invitons chacun-e d’entre nous à réfléchir à comment iel peut s’impliquer dans le respect de ses capacités. Que ce soit en supportant les campagnes de mobilisation à venir, en se présentant à ses assemblées générales ou en continuant de nourrir les possibles d’une manière ou d’une autre, tous les moyens sont bons pour participer au
soulèvement global!
Avec solidarité,
L’équipe du Débordement
[1] Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant, Le logement étudiant au Québec. Rapport de recherche, Enquête PHARE 2021, Janvier 2022, p. 45
[2] Céline Fabries, Pandémie : des millions prêtés aux compagnies ne retourneront pas dans les coffres de l’État, Le Soleil, 5 juillet 2023
